La notion de terroir (1)
S'il y a bien un mot qui fait causer, c'est bien celui de terroir. Il est souvent mis en avant par des viticulteurs qui l'emploient à tort et à travers, et sert souvent d'alibi pour ne pas se remettre en question. Alors qu'il n'y a pas de secret; de même qu'un pianiste surdoué doit tout de même travailler son art plusieurs heures par jour, un heureux possesseur d'un bon terroir doit travailler ses ares plus que tout autre pour en tirer la quintessence...
Or, il est difficile de croire qu'un domaine qui désherbe les rangs de vigne, qui nourrit ses vignes d'engrais et traite à tout va, puisse faire un vin digne de son terroir... Comme son nom l'indique, dans terroir, il y a terre. La terre est normalement peuplée d'une faune incroyable de verres de terre, d'insectes, de bactéries, de champignon microscopique qui jouent un rôle essentielle dans la vie de celle-ci. Or, le chercheur Claude Bourguignon a constaté qu'il n'y a dans certains sols de vigne pas plus de vie que dans le Sahara!!! Les responsables? Pesticides de toute sorte, excès d'azote...
Tout aussi essentiel pour un vin de terroir: le sous-sol. Les vignes à la recherche permanente de nourriture (eau, oligo-éléments) vont creuser la roche parfois sur plusieurs mètres pour arriver à leur fin. Une infime partie de cette roche décomposée arrivera en finale dans le vin et apportera une texture, une minéralité au vin.
Malheureusement, la généralisation du désherbage et de l'engrais liquide de surface n'incite plus les racines à descendre profondément dans le sol. Pourquoi iraient-elles chercher dans le sous-sol ce qu'elles peuvent avoir en surface? Et comme il n'y a plus de labour, les racines superficielles peuvent se développer sans contrainte aucune. Beaucoup de ces racines sont même incapables de jouer leur rôle correctement. On a donc inventé les engrais foliaires... Le comble...
Résultat: une vigne qui pousse avec un réseau de racines superficielles dans un sol sans vie et nourri artificiellement... Ca ressemble terriblement à du hors-sol... Et le terroir, là-dedans?
J'ai un exemple concret à raconter: j'ai un oncle qui vit à Chasselas dans le Beaujolais au milieu des vignes (appellation Saint-Véran). Autour de chez lui, les viticulteurs ne s'embête plus à labourer, et ne laissent pas un brin d'herbe dans les vignes. Il faut dire que c'est assez pentu, et que c'est bien plus simple d'employer un pulvérisateur que de passer avec l'entre-cep entre chaque pied. L'idéal, ce serait de faire ça avec une charrue et une mûle, mais faut vivre avec son temps ;-)
Résultat de ces techniques "modernes": l'absence d'herbe dans les vignes ne retient plus l'eau comme avant. Dès que les pluies sont un peu violentes, il se forment des véritables petits torrents qui entraîne la terre, les pieds de vignes, les piquets... tout! Le comble de tout çà, c'est qu'il a fallu ramener de la terre venant de loin pour reconstituer les vignes d'origine... Vous avez dit terroir?... (à suivre)
(prise au Château Margaux)