Odyssée vinesque (18): Château Couronneau ou le prix de l'exigence
J'avais découvert le Château Couronneau alors que j'étais responsable d'un magasin bio. Il avait été sélectionné comme "vin du mois" dans le réseau Biocoop. Par curiosité, j'en avais goûté une bouteille et j'en étais tombé de suite amoureux. Du coup, j'en avais commandé une centaine de bouteilles qui furent vendues en quelques jours, car j'en vantais sans cesse les mérites. Il resta jusqu'à mon départ le bordeaux incontournable du magasin...
Aussi pensais-je rapidement à ce domaine lorsque se posa la question de choisir quelques Bordeaux, de préférence ;o) Christophe et Bénédicte Piat répondirent de suite favorablement à ma demande, même s'ils n'avaient pas un besoin impérieux de le vendre dans la région (80% part à l'export). Et l'on décida de se rencontrer :o)
Si le domaine est le plus haut perché du Bordelais (180m d'altitude), il aussi la caractérique d'être le plus à l'Est du département de la gironde. Sur la colline d'en face, on aperçoit le Château des Vigiers, célèbre pour son golf, son hôtel de luxe et son vin... de Bergerac!
Lorsque l'on arrive au pied du domaine, on ne peut qu'être impressionné par la beauté du site. On aperçoit au bout haut d'une majestueuse allée de cyprès un château fort du XVème siècle ayant appartenu à Jacques Cartier et ses descendants durant plus de 3 siècles. Celui-ci fut rénové en même temps que le vignoble à partir de 1994 par Christophe et sa femme. C'est peu de dire que c'est une réussite!
Photo du site de Couronneau
Comme le dit Christophe Piat, losqu'on a un objectif, il faut s'y tenir et ne pas changer de direction en cours de route. Celui des Piat était d'obtenir le meilleur vin possible.
Première étape: le vignoble. Une grande partie fut arrachée puis replantée avec des porte-greffe plus qualitatifs et un drainage du sol. Afin d'obtenir chaque année une maturité optimale (les sols étant très argileux - boulbènes) , il fut choisi de ne replanter que du Merlot, plus précoce que les cabernets. Le choix de l'agriculture bio s'imposa également rapidement, afin d'apporter un meilleur équilibre à la vigne. La vigne est suivie de très près par un technicien spécialisé en viticulture bio et sert de centre expérimental pour de nouvelles méthodes de culture et de protection de la plante. Tous les ans ont lieu d'ailleurs des portes ouvertes destinées aux viticulteurs et étudiants qui veulent en savoir plus sur ces techniques.
Beaucoup de rigueur aussi dans les travaux de la vigne: taille très courte (guyot simple de 4 yeux pour la cuvée haut de gamme), ébourgeonnage et épamprage manuels, vendange en vert si nécessaire, effeuillage. Tout est fait pour avoir un raisin le plus sain et le plus mûr possible.
Deuxième étape: le chai. Entièrement rénové, il allie la tradition d'un bâtiment ancien et la modernité des cuves en inox thermo-régulées. Le raisin subit d'abord une macération à froid, puis fermente à température basse (20-25°) afin de préserver le fruit. Le pressurage se fait avec un pressoir vertical hydraulique. Puis selon les cuvées, le vin est élevé en barrique, en foudre ou en cuve pendant 12 mois.
Le résultat de cette obstination et de cette exigence: des vins d'une qualité rare en Bordeaux sup' qui rafle les médaille d'or dans tous les concours où il apparaît. Mais arrêtons d'en parler et goûtons-les...
Christophe Piat me précise qu'ils ne sont pas au top car mis en bouteilles les jours précédents...
Chateau Couronneau, Bordeaux blanc 2006 (50% sauvignon blanc, 50% sauvignon gris, élevé en cuve): nez expressif sur les fleurs blanches et les agrumes. Bouche ample et fraîche, avec de la rondeur. Christophe m'explique que c'est un vin qui gagne à vieillir car la sauvignon gris met du temps à s'exprimer. Il apporte alors une complexité rare dans les bordeaux blancs...
L'Ecuyer 2004: nez sur la mure et la truffe. Bouche de bonne ampleur, avec du fruit et des tannins légers. La finale est un peu asséchante. Pour Christophe, ça ne s'améliorera plus: cette entrée de gamme est faite pour être bue dans les 2-3 ans sur le fruit et pas pour vieillir.
L'Ecuyer 2005: nez bien mûr. Bouche moelleuse, fruitée, d'un bel équilibre. Finale assez courte. Sympa.
Château Couronneau 2005: beau nez sur les fruits noir bien mûrs et les épices. Bouche ronde, ample, mûre, d'une bonne richesse, avec des tannins enveloppés s'affermissant en final. Quand il aura "digéré" sa mise en bouteille, ce sera un beau vin!
Château Couronneau "Pierre de Cartier" 2005: nez envoûtant entre la crème de fruits noirs, le benjoin et les épices exotiques. Bouche puissante et riche, d'une grande profondeur, avec une matière presque crémeuse. Tannins très bien fondus. Finale noble et puissante: un très beau vin digne des meilleurs vins de la rive droite!
Je suis reparti ravi de cette visite: la propriété est magnifique, les vins d'un rapport qualité/prix renversants et les propriétaires d'une gentillesse et d'un dynamisme qui font plaisir à voir. Que du bonheur!