Belle pourriture
C'est ce que je me suis dit en me balladant dans les vignes de Laroque durant mes quelques de jours de "vacances". S'il y a une chose à dire sur le millésime 2005, c'est que l'état sanitaire des vignes est parfait. Si vous ajoutez à cela une très belle maturité des raisins et des rendements raisonnables, l'on peut déjà annoncer que 2005 sera un très beau millésime. On pourra se prononcer sur le caractère exceptionnel lorsque les vins seront en fin d'élaboration...
Mais pourquoi parler de pourriture dans mon titre?
Parce qu'un champignon malicieux est venu rendre visite à Laroque et commencent à faire nombreux petits: j'ai nommé le botrytis cinerea. Ce champignon microscopique s'attaque d'abord à la pellicule du raisin (elle devient violette), puis à la pulpe du raisin: le raisin perd une bonne partie de son eau, les différents composants du jus sont transformés chimiquement par le champignon magique pour aboutir à un résultaut magique: la pourriture noble.
En voici quelques exemples en direct-live sur les 3 cépages de la région...
Voici d'abord le cépage roi des liquoreux bordelais: le sémillon. Honnêtement, on peut comprendre que ce cépage s'est essentiellement développé sous sa forme liquoreuse, car sous la forme de blanc sec, il réclame des années pour s'exprimer (comme dans les très beaux Laville-Haut-Brion). En tout cas, lorsque l'on goûte le raisin "non pourri", le goût en est assez plat, il faut le reconnaître. Le voici à l'état "normal":
Lorsque notre sympathique champignon a fait son effet; ça ressemble à çà (c'est ce qu'on appelle alors le "pourri plein" (on peut remarque alors cette caractéristique couleur violette):
Puis à un stade plus avancé, on arrive à ça:
On est alors dans le "pourri rôti". C''est à ce stade que le raisin doît être vendangé, mais seulement ceux qui en sont atteints. On laisse les autres sur pieds en attendant qu'il en soient au même stade. On comprend alors le principes des "tries successives" qui peuvent s'étaler sur plus d'un mois...
Je vous présente maintenant la muscadelle. C'est un cépage de moins en moins employé dans la région Bordeaux-Bergerac, et c'est bien dommage. Ce cépage fragile donne aux vins secs ou moeleux des arômes de muscat de miel très délicats. Aux vins liquoreux, elle apporte une acidité souvent défaillante aux vins issus de sémillon. La voici:
et sous sa version "pourrie":
Le troisième membre du trio est beaucoup plus connu, car utilisé dans de nombreuses appellations françaises (Touraine, Sancerre, Pouilly-Fumé, Bourgogne - Saint-Bris)vet dans le monde entier: le sauvignon. Ses parfums d'agrumes, de silex, de buis enchantent les amateurs de blancs secs, mais il gagne également à pourrir, car il donne des vins très bien équilibrés aux arômes exotiques. Le voici:
Et pourri:
Pour entretenir et amplifier ce phénomène, il faut des brumes matinales et des après-midis ensoleillés. C'était exactement notre cas à Laroque durant nos quelques jours de vacances. Vous pouvez alors obtenir les meilleurs vins du monde... Si l'humidité devient trop importante, la pourriture noble devient grise, et c'est pas joli joli:
Pour l'instant, le raisin blanc n'a pas encore été récolté, et les propriétaires croisent les doigts pour que le temps actuel se maintienne et amplifie le phénomène... S'il se mettait à pleuvoir longuement, le pari serait perdu, et adieu le nectar!!!
L'on voit que dans le domaine des liquoreux, il faut peu de choses pour passer d'un excellent à un millésime moyen ou tout simplement raté... C'est aussi ce qu en fait son prix.